Faire une super impression

Magazineland USA – 1977 – Joe Kubert School of Cartoon Art

(World Color Press promo)

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Vous êtes vous jamais demandé où et comment étaient imprimés vos comics ?

Les mentions légales ne sont guère précises. On trouve généralement un « Printed in the USA » ou Canada. Néanmoins au début des années 60, on repère que c’est l’Eastern Color Printing Co qui imprime les comics Atlas/Marvel.

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Le marché passe aux mains de la World Color Press Inc au cours de l’année 1968. (la mention de l’imprimeur disparait en 1973)

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En 1977, C’est le Président de la Worlcolor Press Inc, Jim Broderick,  en personne qui nous fait visiter l’usine dans un comics promotionnel : Magazineland U.S.A. C’est l’occasion de voir une partie des coulisses de fabrication de ces fascicules avec les héros Marvel et DC.

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Jim nous invite d’abord à visiter les studios où sont créés les comics.

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Du bureau de l’editeur-en-chef à la table de dessin en passant par les scripts, une histoire voit le jour avant d’arriver à la Spartan Printing Company à Sparta, Illinois.

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Petit aparté : sur les planches originales, on remarque les mentions « Sparta » pour DC ou « World Color » pour Marvel en haut à gauche. Pourquoi cette différence si les 2 comics étaient imprimés dans la même usine ? Peut-être un moyen de différencier les deux grands éditeurs ou une volonté de cacher que les big two utilisaient les mêmes rotatives. Les deux termes disparaitront au profit du nom des compagnies dans les années 80.

Sur place, chaque planche est photographiée pour les réduire à taille réelle d’impression. Les films (comme des négatifs photos) servent ensuite à créer des plaques qui elles mêmes permettront d’imprimer le papier. Si l’étape des films a disparu aujourd’hui, le procédé n’a quasiment pas varié depuis.

Pour entrer dans le détail (ce que le comics ne fait pas), on créé en fait 4 films qui séparent les couleurs : un pour le jaune, le cyan, le rouge et le noir. C’est la base du procédé Offset de séparation des couleurs. (on voit d’ailleurs les mentions « red » yellow » « blue » et « black » de chaque coté des planches. (procédé CMJN cyan, magenta, jaune, noir – en Français ou CMYK, cyan, magenta, yellow, key – en Anglais – La plaque « noir » est  appelé Key car c’est elle qui détermine les contours des dessins. )

Dans les années 60, à partir de 3 couleurs primaires dosées sous forme de points  à 0% 25%, 50% ou 100%, on obtenait une palette de 64 couleurs correspondant à un numéro.

La palette passera à 128 dans les années 70 et ne cessera de croitre ensuite.

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Source : http://thewalkupblog.com

Les coloristes se servaient de ces codes couleurs pour indiquer la teinte finale souhaitée.

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Au final ça donne le résultat ci-dessous en commence par le jaune et finissant par le noir.

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Si vous souhaitez en savoir plus sur  la mise en couleurs des comics, je vous conseille cet excellent blog qui traite du sujet de manière extrêmement détaillée : legionofandy.com

Une fois développés, vérifiés et corrigés le cas échéant, les films servent à la fabrication de plaques métalliques. Ces plaques sont elles-mêmes peaufinées à la main minutieusement par des « routeurs ».

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Les plaques métalliques, généralement en aluminium à cette époque, sont fixées à des cylindres au département « stéréo ». Cette étape est l’occasion de les vérifier une dernière fois pour éviter les imperfections qui nuiraient à l’impression.

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Les plaques sont finalement fixées sur les rotatives.

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Comme on peut le voir ci-dessous, à l’époque, les plaques sont inversées par rapport à l’impression papier, ce qui veut dire que  le procédé d’impression est proche de la rotogravure c’est à dire que les plaques sont en contact direct avec le papier.

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(En offset classique, les encres sont d’abord transférées à un rouleau en caoutchouc (le blanchet) qui ira ensuite se presser contre le papier.)

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Plaque Key (noir)

Les plaques sont le support de deux couches superposées : une couche hydrophile et une couche lipophile. Pour créer les zones à imprimer , la plaque offset est insolée comme on l’a vu plus haut. La couche hydrophile accepte l’eau et repousse l’encre grasse tandis que la couche lipophile accepte l’encre grasse et repousse l’eau.

De l’autre coté de la presse, une personne est chargée de la mise en place du papier, de sa vérification et de sa mise sous tension.

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Une presse énorme était dédiée aux comics, capable d’imprimer simultanément deux comics de 32 pages de 40 000 exemplaires en une heure.

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Une fois imprimées et séchées, les planches étaient découpées, montées et pliées.

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La dernière étape (automatisée car la tache serait titanesque à la main) consiste à agrafer le comics.

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Les comics étaient ensuite emballés pour être expédiés sur tout le territoire américain.

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« Tout en couleurs »

Célébrant les 72 ans de leur premier imprimé en couleur pour le 4 juillet, ce comics est aussi l’occasion d’afficher la superbe réussite du groupe Worldcolor Printing composé à l’époque de 3 usines.

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World Color 4th July Jam 6-18-05

Fondé à l’occasion de l’exposition universelle de St Louis en 1903, Worldcolor a continué ses activités à la fin de l’événement. La compagnie s’est rapidement spécialisée dans l’impression couleur des suppléments enfants des journaux, les « funnies », au point d’en avoir le quasi-monopole au niveau national. Elle s’est naturellement positionnée sur les comics au cours des années 30 pour devenir l’un des plus grands producteurs à la fin de la guerre.

Ce petit film de 1977 est un des rares témoignages de l’activité de l’entreprise.

A la fin des années 80, Worldcolor imprime la quasi totalité des comics mis sur le marché et se fait même attaquer en justice pour pratiques anticoncurrentielles par le jeune label First.

L’usine de Sparta en 1996

Dans les années 90, l’entreprise ne se limite plus aux comics et imprime également des magazines comme Cosmopolitan et Rolling Stone. De diversifications en acquisitions, Worldcolor fusionne avec le groupe canadien Quebecor, délocalise son siège à Montréal et se trouve à la tête de 17 usines de productions.

Mais entre la chute des ventes de comics et l’émergence du digital, Worldcolor/Quebecor plonge et ne doit sa survie qu’à la loi sur la mise en faillite. Worldcolor est racheté par Quad/Graphics en 2010 (compagnie qui imprime encore aujourd’hui les comics Marvel)

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Sim Theury

 

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